Philippe Madiès, Professeur de finance à Grenoble IAE
Dans une économie de marché, le jeu normal de la concurrence conduit à la disparition des entités qui ne sont plus viables. Le risque de faillite sert donc d’aiguillon et de sanction ultime pour les entreprises. Ce principe est-il applicable stricto sensu aux entreprises bancaires ?
A y regarder de plus près : non, et cela pour plusieurs raisons liées aux spécificités des banques. Il est en effet socialement utile de limiter la probabilité de défaillance d’une banque, et c’est ce à quoi s’attèle la réglementation prudentielle des banques. Les banques ont tout d’abord une structure financière très particulière. Elles sont beaucoup plus endettées que la moyenne des autres entreprises et une partie de cette dette est détenue par des petits porteurs : les déposants.
Cette dette est très fortement exigible puisque les déposants peuvent retirer à tout moment leur argent. Si les déposants perdent confiance, ils peuvent, en se ruant au guichet de leur banque, précipiter la faillite de banques tout à fait saines. La faillite peut donc être provoquée par une situation d’illiquidité et non pas d’insolvabilité !
Cette ruée bancaire devient une panique bancaire lorsqu’elle s’étend à l’ensemble du secteur bancaire. Afin d’éviter ce genre de phénomènes dévastateurs, en France comme dans l’ensemble des pays développés, les dépôts sont assurés. Et cela de telle manière qu’un déposant normal puisse être indemnisé en totalité en cas de défaillance de sa banque.
Une deuxième particularité des banques est leur rôle dans le financement de l’économie, tout particulièrement auprès des PME qui n’ont pas accès aux marchés de capitaux. En outre, les banques gèrent les systèmes de paiement et donc permettent le règlement de toute transaction économique.
Enfin, les banques ont besoin de se refinancer et le font auprès de la banque centrale, mais aussi directement sur le marché monétaire interbancaire où elles se prêtent à court terme des fonds. Il n’existe pas d’autres secteurs d’activité où des entreprises concurrentes se prêtent de l’argent entre elles.
Le terme de système bancaire est sans doute le mieux choisi pour qualifier le secteur bancaire, un système étant un ensemble d’éléments en interaction. En effet, par contagion, une ruée de déposants auprès d’une banque peut provoquer une perte généralisée de confiance chez les autres déposants et l’écroulement du système bancaire.
La faillite d’une banque, surtout si elle est de grande taille, se propage via le marché monétaire interbancaire à d’autres banques. Et cela à un tel point que la faillite d’un de ses concurrents n’est pas nécessairement vue comme une bonne nouvelle par une banque ! On parle ainsi d’un risque systémique qui ne se cantonne pas uniquement au niveau du secteur bancaire, dans la mesure où l’écroulement du système bancaire ne permet plus le financement des PME et affecte immédiatement l’économie réelle. Au-delà, le système de paiement n’étant plus opérationnel, aucune transaction économique ne peut avoir lieu.
Toutes ces spécificités expliquent que le secteur bancaire soit un des secteurs d’activité les plus réglementés, cette réglementation faisant l’objet d’une harmonisation européenne et internationale. Mais les banques sont-elles les seules institutions financières à devoir être réglementées ? Certainement pas, et il faudra regarder de près l’activité de certains investisseurs institutionnels dits alternatifs comme les hegde funds par exemple…
Pour aller plus loin : Enjolras G., Gatumel M., Madiès Ph., Taramasco O, « La couverture des catastrophes naturelles et nucléaires : une source d’inspiration pour l’assurance des dépôts bancaires », à paraître 2015, Revue d’économie financière.
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