Sébastien GEINDRE, maître de conférences à Grenoble IAE.
Les réseaux sont fréquemment mis en avant comme un outil à disposition des entrepreneurs pour les aider, les soutenir dans leur projet. Ces réseaux, prennent des formes variables (clubs, associations, syndicats, réseaux locaux, etc.) et répondent généralement à quatre types d’attentes principales :
· l’échange de bonnes pratiques (partage d’expérience, coaching de pairs, benchmarking plus ou moins formel). Cet objectif correspond généralement à l’offre minimale offerte par un réseau ;
· l’accompagnement. Il s’agit à la fois d’assurer un transfert de connaissances, d’aider l’entrepreneur à affiner sa vision stratégique et d’assurer un soutien à sa démarche, notamment en mettant à sa disposition diverses ressources.
· La défense d’intérêts communs. Il s’agit d’assurer la reconnaissance et la défense des intérêts non pas d’un entrepreneur en particulier mais plutôt d’une catégorie d’entrepreneurs
· La création d’opportunité d’affaires. Le réseau est ici un lieu de prospection de marché, d’idées). Il était assez rare historiquement que des réseaux affichent explicitement ce dernier objectif. Force est de constater pourtant, que celui-ci n’était pas pour autant ignoré par leurs membres. « Réseauter » pour faire des affaires répond donc à une attente réelle des entrepreneurs.
Pour bénéficier d’un réseau, un entrepreneur bénéficie d’une large offre et celle-ci ne cesse de s’accroître ! Aux réseaux traditionnels s’ajoutent les réseaux sociaux en ligne, les réseaux locaux d’entreprises, les réseaux étrangers s’installant en France (BNI par exemple) sans compter les réseaux territoriaux type pôles promulgués par le Gouvernement ou les (nouveaux) réseaux hyper ciblés (les mampreneurs, croissance plus, etc.).
Cette diversité d’offre constitue à la fois une aubaine et une difficulté nouvelle. Pour les adhérents potentiels, réseauter résulte donc d’un choix de plus en plus complexe. Pour les réseaux, dans ce contexte d’intensification de la concurrence, (ré)affirmer son offre est une nécessité, et, ainsi, certaines de ces structures n’hésitent plus à afficher clairement l’accroissement du chiffre d’affaires des adhérents comme un élément différenciant.
Ce constat préfigure peut-être d’un changement fort dans la pratique du réseau. En effet, on bascule vers une valorisation plus grande de l’intérêt individuel là où, historiquement, prévalait surtout l’intérêt collectif. On observe aujourd’hui du côté des adhérents, un désir plus grand de bénéficier d’une offre de service personnalisée, plus clairement créatrice de valeur. Les réseaux évoluent, devenant un objet de consommation, plus qu’un lieu de socialisation. Ils deviennent un espace plus individualisé que collectif, plus économique et moins politique, plus court-termiste aussi.
Dès lors, le poids des valeurs, par nature collective, au sein des réseaux se modifient et autorisent des comportements plus opportunistes. Le respect des codes qui régissent l’adhésion ou le (bon) comportement à avoir une fois membre pourraient en souffrir et peut-être contraindre la volonté d’engagement de certains membres. Pour autant doit-on affirmer « c’était mieux avant » ? …
Pas forcément ! Et ce pour deux raisons : d’une part, les normes lorsqu’elles ne sont plus remises en cause deviennent des carcans qui inhibent le changement, la créativité, l’innovation et ne permettent pas de changer les règles du jeu. Les réseaux, dans ce cas, peuvent devenir des lieux de résistance plus que des lieux d’appui.
D’autre part, nos travaux montrent que l’intérêt individuel est déterminant pour démarrer un processus de création d’un réseau de coopération. Il favorise une prise de risque initiale (modérée) qui permet d’éprouver la confiance qu’on peut accorder aux autres membres. Dès lors, être clair sur ses attentes et les affirmer lorsqu’on adhère à un réseau est nécessaire pour l’adhérent.
C’est aussi un vecteur d’opportunité pour le réseau : celle d’offrir des réponses mieux adaptées. Surtout, cela n’inhibe pas le processus de socialisation des membres et n’empêche pas « d’encastrer », dans le temps, des relations de confiance, des relations interpersonnelles au-delà des strictes connexions économiques, nécessaires au fonctionnement efficace d’un réseau.
Pour aller plus loin : Geindre S. (2014). - Les réseaux, clé de la compétitivité. - In : Le grand livre de l'entrepreneuriat. Sous la direction de Catherine Léger-Jarniou. - Paris, Dunod, Chapitre 15, p. 287-304. Prix FNEGE du Meilleur Ouvrage de Recherche en Sciences de Gestion, catégorie mention spéciale du jury
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